Acquisition de deux peintures et d'une lettre illustrée de Félicien Rops
mercredi 01 octobre 2025
Il y aura bientôt du neuf dans les salles du musée ! La collection vient en effet de s’agrandir grâce à trois acquisitions faites par la Province de Namur en 2025.
Vous l'avez peut-être déjà lu sur cet inventaire en ligne mais une exposition consacrée aux peintures de Félicien Rops est prévue dans les prochaines années, en même temps qu’une actualisation du catalogue raisonné de 1985. En vue de cet évènement, deux peintures à l’huile sur panneau – de petit format – viennent de rejoindre le fonds d’œuvres du musée.
La première représente Charlotte Polet de Faveaux, épouse de Félicien – que l’artiste a très peu représentée dans ses œuvres –, vaquant dans les jardins du château de Thozée. Elle témoigne de la vie commune du couple dans cette gentilhommière située à Pontaury, près de Mettet, et a été réalisée aux environs de 1874, l’année de leur séparation.
La seconde a été peinte, cinq ans plus tard et représente trois têtes de tziganes. De Budapest à Szeged en passant par le lac Balaton et la Puszta, Félicien Rops traverse en effet la Hongrie en août 1879. Accompagnant une délégation officielle française, il est chargé de livrer ses impressions au journal Le Figaro : les Ropsodies hongroises, mélangeant dessin et écriture. L’artiste découvre un pays et un peuple de tziganes nomades et rebelles, dont il tombe amoureux. Il livre notamment cette huile et une gravure intitulée La Planche du tzigane : « En haut c’est Boróss – un Tzigane de Szeged. En dessous le vieux Bonkö le rival de Racz Palt le meilleur musicien Tzigane de Hongrie ; puis Szabady, un compositeur de génie tout simplement, l’auteur de la marche de Szabady aussi populaire en Hongrie que la marche de Racoczy & que Massenet a fait connaître à la France en l’orchestrant & en le faisant exécuter à l’Opéra. En dessous Tórók Mihaly un ‘T’chimbaloumiste’ merveilleux. Nous devons être cousins car nous nous ressemblons beaucoup. C’est un Rops-idéal ! – Il est du reste originaire de Sambor & mon arrière grand père venait de la Baïska qui est une province du Sud dont Sambor fait partie. – Vous ne pouvez vous imaginer, […] combien, pour la première fois de ma vie, je me suis senti bien ‘chez moi’ là-bas »1.
Une lettre – ou poème – illustrée vient compléter ce nouveau lot. Acquise auprès d’une galerie londonienne, Le Sonnet de l’éventail fait écho à un autre croquis conservé au musée : Portrait de Jeanne Blanc à Trouville, réalisé en 1876. Cette année-là, Rops se rend sur la côte normande pour rejoindre Camille Blanc, rencontré quelques années auparavant à Paris. Collectionneur d’art, l’homme d’affaires monégasque – ou son père – lui commande plusieurs croquis de son épouse Jeanne, que l’artiste namurois surnommera « la fleur des sables blancs ». « Ah Trouville ! Cher ami, quel rêve de Soleil ! La plus belle mer & les plus jolies filles du monde, l’une portant les autres & le canot du bon peintre Fély étendant à l’horizon sa voile blanche – comme l’aîle d’un goëland. […] Je rapporte des mannes de croquis & quelques études bizarres que tu verras »2. Parmi ces études, se trouve très certainement cette œuvre où Rops croque Jeanne sous toutes les coutures, cachée derrière son éventail et érigée en héroïne de son poème :
« À Jeanne
L’Eventail flottant au côté
Comme la dague moyen-âge,
Quand sous les regards de l’été,
Vous irez par la blonde plage ;
Lorsqu’au bal, dans le tourbillon
Entrainant de la folle danse,
Vos pantoufles de Cendrillon,
Vibreront, battant en cadence ;
Ô vous la fleur des sables blancs
Et la reine des bals brillants
Vous verrez l’éventail des fièvres
Ainsi qu’un papillon charmant
Battre de l’aile sur vos lèvres
Et baiser votre bouche en fleur »
Thomas CLEEREBAUT - Conservateur adjoint, responsable des collections
[1] Lettre de Félicien Rops à Edmond Picart, s.l., septembre 1879. Archives et Musée de la Littérature, inv. ML/00631/0008. www.ropslettres.be, n° éd. 2274.
[2] Lettre de Félicien Rops à Théodore Hannon, s.l., 1876. Archives et Musée de la Littérature, inv. ML/00026/0178. www.ropslettres.be, n° éd. 2058.


