Restauration de la peinture "La Vue du village d'Èze"

Acquise par la Province de Namur en 2023, La Vue du village d'Èze a depuis rejoint le parcours permanent du musée. Toutefois, avant d'être exposée à la vue de tous, cette peinture datée des environs de 1874 a dû être restaurée pour révéler tous ses secrets de réalisation. Rencontre avec Sarah Aucremanne, conservatrice-restauratrice de peinture, en charge du projet ...

Quel est votre parcours ? 

J’ai fait mes études à La Cambre de 2010 à 2015. Je travaille pour des particuliers, des musées et j’aime aussi beaucoup les chantiers de restauration exécutés en équipe. Je partage un atelier avec d’autres collègues.

Lorsque la peinture vous a été confiée, quels en étaient les dégâts ? 

La peinture  est arrivée dans mon atelier principalement pour lui redonner de l’éclat. Une couche de protection oxydée et un encrassement assombrissaient fortement l’ensemble de la composition. Le cadre présentait également quelques lacunes.

Quelles opérations de restauration avez-vous effectuées sur l'oeuvre ?  

Le traitement de restauration a consisté au nettoyage et à l’enlèvement de la couche de protection qui était de nature huileuse. Cette dernière présentait des irrégularités qui se traduisaient par des traces et des  tâches visuellement gênantes. Après avoir nettoyé méticuleusement le tableau, j’ai posé une nouvelle couche de protection légère et réversible, afin de raviver les couleurs et la profondeur de la peinture. J’ai aussi restauré et retouché des lacunes dans le cadre et j’y ai placé une vitre de protection.

 En cours de traitement, retrait de la couche protectrice huileuse

Était-ce votre premier contact avec l'œuvre de Félicien Rops ?  

Pas tout à fait. C’était la première fois que je restaurais une œuvre de Félicien Rops, mais par le passé j’ai déjà travaillé pour le musée dans le cadre d’une campagne de conservation de ses œuvres. Dans ce projet, il s’agissait alors de remplacer les vitres déjà présentes sur les oeuvres par des vitres anti-UV.

Y a-t-il un élément qui vous a particulièrement marquée lors de la restauration ? 

Chaque tableau restauré est dans un premier temps analysé. On essaye de comprendre au mieux comment l’œuvre a été réalisée et comment elle a traversé le temps. De cette analyse découle une restauration adaptée.

Cette œuvre avait plusieurs particularités.

  • Du point de vue de sa réalisation, des petits trous présents le long des bords, nous indique que la toile avait probablement été punaisée sur tout le pourtour lors de sa réalisation.

 

  • En ce qui concerne son histoire, sa date de réalisation est estimée à l’année 1874, or le tableau a été doublé dans les années 1920. Elle a donc subi une première campagne de restauration à cette occasion. L’estimation de la date de cette campagne de restauration nous est donnée par la présence d’un papier journal collé au dos de la toile de doublage.

 

  • Lors des tests de nettoyage, dévernissage, j’ai été étonnée de découvrir qu’une couche protectrice huileuse avait été appliquée sur l’oeuvre sans nettoyage préalable !

  • Pour ce tableau, la question de la pose d’un vernis s’est posée. Cette œuvre n’était sans doute pas vernie au moment de sa création. Une couche huileuse a été posée plus tard, probablement pour redonner de l’éclat à l’œuvre au moment d’une vente ou d’une exposition. La question se pose alors de recouvrir ou pas l’œuvre d’un vernis lorsque nous n’avons pas d’indication sur les intentions de l’artiste créateur de l’œuvre. Ici, étant donné l’usure déjà présente de la couche picturale, l’option a été prise de la recouvrir d’un voile protecteur léger et réversible permettant à la couche picturale de retrouver son éclat.

La peinture après restauration

Pour découvrir le résultat, rendez-vous au second étage des collections permanentes du musée dans la section "Rops et les voyages".

Thomas CLEEREBAUT - Conservateur adjoint, responsable des collections