Pornocratès - Pornokratès - Dame au cochon, La
Date
1878
Auteur
ROPS Félicien
Dessinateur
Numéro d'inventaire
CFR D 010 - APC 193
Autre(s) numéro(s)
Fédération Wallonie-Bruxelles - Inventaire APC : 193
; Musée - Ancien inventaire : CFR 010
Domaine
Dessin
Mesures
Feuille - Hauteur en cm : 75
; Feuille - Largeur en cm : 48
; Cadre - Hauteur en cm : 99
; Cadre - Largeur en cm : 72,5
; Cadre - Profondeur en cm : 4
Légende
Félicien Rops, Pornocratès ou Pornokratès ou La Dame au cochon, 1878, pastel, crayons de couleur, pierre noire, aquarelle, gouache, bronzine et or sur papier, 75 x 48 cm. Fédération Wallonie-Bruxelles, en dépôt au musée Rops, inv. CFR D 010 - APC 193.
Collection
Fédération Wallonie-Bruxelles
Protection
Trésor classé de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Commentaire
En 1878, Félicien Rops dessine Pornocratès ou La Dame au cochon qui fait référence à une période particulière de l’histoire que les spécialistes appellent la pornocratie pontificale : vers le 10ème siècle de notre ère, les courtisanes avaient pris le pouvoir en prenant les décisions à la place des papes dont elles étaient les maitresses. Mais un texte posthume de Pierre-Joseph Proudhon (1808-1865), "La Pornocratie ou les femmes dans les temps modernes" (éd. A. Lacroix, Paris, 1875), n’est sans doute pas étranger au titre donné à ce chef-d’œuvre, tant Rops a aimé se moquer ouvertement de l’homme à la célèbre formule : « La propriété, c’est du vol ».
Dans ce dessin, Rops marque son mépris pour les arts classiques qui sont figés dans la pierre et piétinés par la femme moderne. Le cochon symbolise les instincts les plus bas et les plus vils. L’artiste critique donc en même temps l’académisme et la bourgeoisie frileuse et bien-pensante de son époque. Seule la femme moderne et libérée domine le monde. Cependant, ayant des difficultés à vendre cette œuvre choquante et provocatrice, Rops se retranche derrière des arguments simples : il a été séduit par l’un de ses modèles et en a tiré un beau grand dessin. « C’est philosophique en diable et moral cette flétrissure du veau – non, je veux dire du cochon d’or ! – Au fond, je me fiche naturellement le plus franchement du monde des ‘idées philosophiques’ et je n’ai eu d’autre idée que de peindre ‘mot à mot’ une belle fille qui, pour réjouir mes bons yeux de peintre, s’était campée nue devant moi en gardant ses bas de soie, ses gants noirs et son Gainsborough : c’est un peu classique, mais la fille est un modèle classique et je fais ce que je sens. Si Dieu me prête et si le diable ne me gâte pas cette merveilleuse créature ce n’est pas la dernière fois que je la portraiturerai ! » Il espère ainsi atténuer l’aspect scandaleux de son portrait de femme pour le rendre plus accessible à son réseau de collectionneurs bourgeois. Il imagine même un meuble à volets pour cacher l’œuvre si elle devait être exposée dans un intérieur privé.
La nudité traitée par Rops dans sa Pornocratès fait référence à celle de la scandaleuse Olympia d’Edouard Manet (1832-1883) exposée au Salon de Paris en 1865. Charles Baudelaire avait écrit à Manet : « Rops vous aime, Rops a compris ce que vaut votre intelligence et m’a même confié certaines observations faites par lui sur les gens qui vous haïssent (car il paraît que vous avez l’honneur d’inspirer de la haine) ». Rops partage avec Manet une même conception de la représentation des relations tarifées entre les hommes et femmes dans la bourgeoise de la seconde moitié du 19ème siècle. Cependant, le réalisme d’Olympia cède la place à l’allégorie dans Pornocratès. Cette dernière va ancrer à jamais la spécificité du demi-nu ropsien que l’artiste revendique jalousement : « C’est à propos de la création par moi — ma modestie m’autorise à le dire ! — du déshabillé moderne ou plutôt de la nudité “ornée” de notre époque : les bas & les gants noirs, les souliers mignons, les chapeaux, etc. qui, à l’instant, ont été imités par tous les artistes qui dessinaient les femmes, timidement, alors ! Cela date de 1874, vingt ans ! C’est la Pornocratès et les fameux Cent croquis pour réjouir les honnêtes gens dont naguère à la Salle Drouot, à la vente Noilly, on refusait 20 000 frs, qui ont ouvert le marché & j’ai été aussitôt terriblement pastiché !! »
La Pornocratès est aujourd’hui considérée comme le symbole de l’esprit décalé et « surréaliste » des Belges.
[Rédigé par Véronique CARPIAUX, 2022]
Au début de l’année 1878, Félicien traverse une crise artistique : « J’ai le spleen ou dégoût de tout, l’horreur de ce que je fais comme art. Est-ce une transformation ou l’anéantissement ? […] Il me semble qu’il y a un autre Rops qui surgira de cela, s’il en surgit quelque chose » . De cette remise en question, naissent quelques mois plus tard, ses plus grands chefs-d’œuvre, notamment la célèbre – et surtout mystérieuse – Pornocratès. Ce dessin a fait l’objet de nombreuses études , notamment sur l’influence de Manet et sur la référence antique à la Pornocratie, mais peut-être pouvons-nous ajouter une dernière clé de lecture à tout cela : celle du japonisme. N’y a-t-il pas une influence japonaise dans cet immense aplat monochromatique bleu sans ligne d’horizon à l’arrière, dans cette composition asymétrique étrange où le cochon semble sur le point de quitter le cadre ou bien dans ce demi-nu ropsien où la ceinture se terminant par un nœud dans le dos rappelle l’obi des kimonos des geishas, et ce fier Gainsborough noir, leurs grandes chevelures d’ébène ?
Terminée un mois après l’Exposition universelle de 1878, Félicien Rops livre sa propre vision de la femme moderne – japonaise en toute discrétion –, piétinant les arts classiques emprisonnés dans la pierre et surtout privée de la vue, et par extension de toute possibilité de contemplation d’un quelconque « magot japonais », loisir préféré des très académiques et critiquées « Stevensoises ». Une œuvre – presque achetée par le marchand d'objets d'art asiatique, Auguste Sichel – que Rops a probablement voulu opposer, sans le revendiquer, aux peintures japonisantes d’Alfred Stevens.
[Rédigé par Thomas CLEEREBAUT, octobre 2025]
Sujet / thème
Femme
; Cochon
; Amour
; Art
; Modernité
; Nudité
; Amour
; Chapeau
; Demi-nu féminin
Exposition
Japoniaiseries. Fantaisies japonaises au temps de Félicien Rops Musée Félicien Rops - Namur 18/10/2025 15/02/2026
De Namur à Paris : le XIXème siècle de Félicien Rops Musée de Québec 28/09/1999 02/01/2000
Rops suis, aultre ne veulx estre Maison de la culture - Namur 12/09/1998 11/10/1998
Oeuvres de la Communauté française. Acquisitions récentes (1988-1990). Musée des Beaux-Arts d'Ixelles - Bruxelles 26/04/1991 26/05/1991
? Centre culturel - Courtrai 1989 1989
Bibliographie
Demolder,E., La Plume, 1896
Facettes
Cliquez sur un terme pour voir toutes les œuvres de nos collections associées à ce dernier.

